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Jeunes communistes d'Arras

Blogs des jeunes communistes d'Arras

Nordine Idir : « Le Parti Communiste est toujours révolutionnaire. »

On croyait le communisme mort. La chute de l’URSS devait être la chute finale et la victoire ultime du capitalisme. Cependant, la crise a rebattu les cartes et la critique du capitalisme semble plus que jamais valide. Pendant ce temps, le Parti Communiste Français en pleine agonie s’est offert une seconde jeunesse par le biais du Front de Gauche. Des raisons suffisantes pour interviewer Nordine Idir – secrétaire général du Mouvement Jeunes Communistes Français – et évoquer avec lui l’avenir du mouvement.

Être communiste en 2013 pour toi ça veut dire quoi ?

Nordine Idir, secrétaire national des MJCF.

C’est tout d‘abord défendre des idéaux de solidarité, de vivre ensemble, de justice sociale. Mais ce n’est pas que les défendre, c’est aussi les traduire concrètement. C’est ensuite vouloir combattre les discriminations et faire en sorte que l’on puisse choisir son mode de vie comme on l’entend, sa sexualité, son travail et son parcours de vie. Cela passe forcément par des garanties collectives. Ce communisme-là, je le vois comme le partage des pouvoirs, des savoirs et aussi des droits. Cette ambition de solidarité et de vivre ensemble n’est accessible que si nous avons les mêmes droits. Mais le communisme c’est avant tout un partage et une mise en commun, on en revient au terme originel. Nous ne sommes pas là pour nier les individus mais pour les épanouir.

Et l’ancienne idée de « dictature du prolétariat », elle en est où ?

C’est une référence qui a été abandonnée mais je ne suis pas sûr que ça soit un recul sur les ambitions. Je le comprends comme une évolution même si je n’ai pas vécu les débats de l’époque. Je l’interprète comme la recherche d’une nouvelle dynamique d’union de toutes les forces sociales pour aboutir à une transformation sociale radicale et révolutionnaire. L’idée d’une véritable lutte collective et populaire qui se fait par le bas a été cependant préservée. Nous continuons de mettre le peuple toujours au cœur de tout. Le débat autour du terme n’est peut-être plus d’actualité mais nous avons toujours la même ambition.

D’ailleurs, vous avez aussi abandonné récemment la faucille et le marteau. Aujourd’hui, le communisme n’a pas bonne publicité, car il renvoie toujours à l’URSS. Ne serait-il pas pertinent de changer aussi le nom du parti ?

Non, je ne pense pas. D’abord, ces abandons de symboles ou autres ne sont pas des abandons en tant que tels, ce sont des évolutions. Notre ambition est toujours la même. Ce qu’il faut savoir, c’est s’ils sont audibles auprès de la population.

« Nous ne sommes pas là pour nier les individus mais pour les épanouir. »

En tout cas, ce ne sont pas eux qui font notre projet. La preuve : cela n’a jamais été le symbole du MJCF et nous sommes pourtant révolutionnaires. Pour ce qui est de l’URSS, je pense que ça change dans la tête des nouvelles générations. Les caricatures sont en train de s’effacer, car le capitalisme montre tous les jours son injustice. Même si nous avons fait des erreurs, nous ne sommes pas passéistes. Et il existe aussi d’autres modèles dans le monde tout autant condamnables, voire plus. Ensuite, il y a eu des avancées sociales en URSS même si l’implication populaire a été bâillonnée, menant à une désaffection.

À l’inverse, il existe des régimes d’économie capitaliste peu scrupuleux sur les droits humains ou le partage des richesses qui sont peu condamnés. N’oublions pas que nous avons un regard très européen : d’autres exemples de communisme vivent, notamment en Amérique latine. Il suffit de regarder Cuba qui a la population la mieux éduquée du continent devant les États-Unis et la mieux soignée (sic). Ses institutions ne peuvent être analysées avec nos grilles de lecture. Les latino-américains l’ont bien compris : ce pays constitue une référence dans la région. Nous pouvons ici en débattre et analyser, en restant critique bien sûr. Pour en revenir au nom, le communisme annonce ce que nous sommes et c’est très important pour nous.

Comment expliquerais-tu la chute du PCF au cours des années 1990 et 2000 ?

Je ne sais pas exactement. Le recul est même un peu plus long dans la durée. Nous l’analysons comment ? Je dirais qu’il y a eu des évolutions structurelles du capitalisme et des offensives réactionnaires de la classe dominante dans un contexte de crise économique. Il s’agissait d’une vraie stratégie pour casser méthodiquement les voies de financement de la sécurité sociale et de tous les dispositifs de mise en commun. Du coup, toutes les avancées sociales arrachées par le mouvement ouvrier et les compromis sociaux se sont retrouvés affaiblis et en incapacité de répondre aux besoins.

« Il ne faut pas oublier que les partis communistes de tous les pays occidentaux ont connu un vrai recul et le français est peut-être celui qui s’en est le mieux sorti a posteriori. »

On ne peut éluder l’explosion du chômage de masse qui a explosé à la fin des années 1970 et au début des années 1980. Les communistes ont certainement éprouvé des difficultés pour aller parler avec tous les exploités qui se sont retrouvés éclatés. Il y a eu un affaiblissement mais pas une chute. Surtout, il ne faut pas oublier que les partis communistes de tous les pays occidentaux ont connu un vrai recul et le français est peut-être celui qui s’en est le mieux sorti a posteriori.

Est-ce dû, selon toi, à une différence de ligne entre les anciens dirigeants plus tournés sur la défense des travailleurs – Thorez, Duclos et Marchais – et les nouveaux dirigeants plus centrés sur la lutte contre les discriminations et sur le sociétal – à savoir Hue, Buffet et Laurent ?

« Liliane, fais les valises, on rentre à Paris ! »

Je n’en suis pas sûr. Je ne suis pas historien mais je pense que cette dichotomie est fausse. Parce si nous prenons le parti de la fondation au Front Populaire, il y a déjà eu de grandes évolutions. A l’époque, le parti était un parti de masse qui travaillait avec les organisations ouvrières et les socialistes. Pourtant, la lutte contre les discriminations, notamment celles faites aux femmes ou aux étrangers – par le biais des colonies – était au cœur des combats. La vraie difficulté aujourd’hui est de les rendre audibles, car les associations qui rendaient possible la solidarité et qui étaient liées au mouvement ouvrier se sont affaiblies. Mais les questions de discriminations ne s’opposent pas aux questions de classe parce que les femmes sont parmi les plus exploitées – 80% du temps partiel – et sont sous-payées. Il faut à tout prix lutter pour les sans-papiers, contre les discriminations religieuses, etc. Ce n’est pas contradictoire au contraire, il faut trouver un moyen de les articuler.

Est-ce que tu penses que le communisme à l’heure actuelle peut encore séduire la jeunesse ?

Je l’espère en tout cas, c’est un peu ma mission et mon rôle. Mais je pense que oui ! Toutes les mobilisations que notre génération a connues, notamment sous la droite, portaient en elles des exigences de justice ou d’égalité. Ce sont forcément des choses que nous portons en nous que ça soit dans l’éducation, l’accès à l’emploi ou à la mobilité. À travers la planète, que ça soit en Amérique latine, en Europe ou au Maghreb, les jeunes sont au cœur des grandes luttes d’émancipation. Après, il y a tout un travail pour devenir majoritaire et c’est pour cela qu’il faut réaliser des avancées dès maintenant. En tant que militants d’organisations, nous devons travailler à construire ces ambitions fortes.

Mais nous avons l’impression que la jeunesse actuelle nourrie à la consommation de masse et aux nouvelles technologies n’a jamais été aussi séduite par le capitalisme. Et c’est encore plus vrai dans les milieux populaires…

Tu peux porter du Nike et kiffer le marteau et la faucille.

Je ne partage pas cette analyse, notamment sur les jeunes de classes populaires. C’est vrai qu’ils veulent posséder des marques et semblent s’attacher au consumérisme. Et ce fait est d’autant plus vrai que ces jeunes sont pauvres. C’est logique car la société nous répète sans cesse que nous sommes rien si nous ne possédons pas. Mais la consommation en soi n’est pas un ennemi. La vraie question est de savoir comment donner accès à tout ça, c’est-à-dire comment les aider à avoir les moyens de s’offrir les nouvelles technologies ou à pouvoir s’habiller correctement. Donc pour reprendre ta question, ce n’est pas contradictoire de vouloir porter de la marque et vouloir changer la société ! Dans notre organisation, nous avons des militants assez représentatifs de la jeunesse, avec tous les « styles » imaginables, qui consomment comme le reste de la société et ça ne les empêche pas d’aspirer à un changement radical. Je pense qu’il faut sortir de ce débat-là. Nous avons cependant bien conscience des dangers du consumérisme. Quand nous posons nos exigences de services publics et de mise en commun, c’est aussi parce que nous avons conscience que certaines choses doivent échapper aux lois du marché.

Justement, selon toi, l’avenir du communisme ne passe pas par une remise en cause du consumérisme, donc in fine du productivisme et du mythe de la croissance ?

Effectivement, les économistes libéraux mettent toujours en avant le problème de la croissance. Les exigences de profits immédiats placent en ce moment davantage les « problèmes de déficits, de coût du travail et de compétitivité ». Mais la question de produire des richesses pour ensuite les partager et garantir un niveau de vie digne à tout le monde est un vrai enjeu. Et c’est bien en mettant en commun un de tas de choses via les services publics que les citoyens pourront prendre les bonnes orientations. Je pense notamment à la planification écologique parce qu’il y a de vrais enjeux derrière : comment nourrir demain 9 milliards d’individus, produire les voitures propres de demain – car la mobilité est une vraie nécessité – ou comment produire de manière propre ? Nous ne posons donc pas la croissance comme un mythe, mais comme un moyen de créer des richesses utiles pour le bien commun et donc la société. Cependant, il est vrai que certaines choses n’auront peut-être plus d’intérêt à être produites demain mais ce n’est pas à moi de le décider, c’est à l’intelligence collective de le faire. Les grands choix ne sont pas à prendre par les grandes multinationales qui mettent en concurrence les peuples mais bien par ces derniers.

Sur l’écologie on sait qu’il existe au sein du Front de Gauche plusieurs sensibilités. Jusqu’à présent, les communistes n’ont pas été aussi loin que le Parti de Gauche et son « écosocialisme » dans cette direction. C’est toujours vrai ?

En tout cas, l’écosocialisme n’est pas une notion que nous nous approprions. Par contre, je sais qu’elle est portée par plusieurs formations de gauche : des écologistes, des membres du Parti socialiste, évidemment des membres du Parti de Gauche et dans d’autres courants. Mais pour nous, j’en reviens à ce que je disais tout à l’heure, nous nous plaçons dans la perspective du communisme, c’est-à-dire de la mise en commun et du partage des pouvoirs et des savoirs.

« Les grands choix ne sont pas à prendre par les grandes multinationales qui mettent en concurrence les peuples mais bien par ces derniers. »

Mais évidemment, cette dimension écologie est incontournable car il en va de la survie de l’humanité. Cependant, nous l’envisageons toujours dans une idée de changement plus global. Ce qui nous guette, c’est une reprise de l’écologie par le capitalisme pour ouvrir de nouveaux marchés afin de mettre en concurrence les peuples, les culpabiliser et accroître les inégalités. Pourtant, l’articulation entre écologie et justice sociale bien que complexe est un sujet majeur. Même si nous n’utilisons pas tous le même terme, la compagne du Front de Gauche a montré que l’on défendait tous autant l’écologie.

D’ailleurs, penses-tu que la bannière du Front de Gauche était indispensable au PCF pour reconquérir l’électorat à gauche de la gauche ?

PCF, PG : le rassemblement, c’est maintenant

Je pense le Front de Gauche avant tout comme un rassemblement et un mouvement. La société est complexe et nous ne pourrons pas la changer seuls. Il nous faudra être majoritaire et donc gagner le rapport de force. L’idée était donc de nous rassembler avec ceux qui étaient les plus proches de nous. Et puis, en tant que communistes pour nous l’idée du rassemblement est indispensable. Vue l’ampleur de la crise et celle de l’offensive du patronat et des multinationales, nous étions dans l’obligation de rebâtir une union forte. Cependant, les différences continuent de vivre. Notre mouvement n’a d’ailleurs pas vocation à rester figé, au contraire nous sommes prêts à accueillir tous ceux qui veulent nous rejoindre. Jusqu’ici, tous les grands changements ont eu lieu quand le peuple a dépassé tous les schémas établis. Ce qui fait la force du Front de Gauche c’est que nous ne sommes pas sûrs des postures et qu’il y a du débat interne. On a annoncé la fin de l’Histoire pendant 20 ans mais l’ampleur de la crise montre que nos solutions étaient les bonnes. Mais ça demandera beaucoup de travail et ça passera par le rassemblement.

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